Wednesday, February 23, 2011

Camerounais, il faut changer !



By Jessica Dina

L’état de décrépitude avancée dans lequel se trouve le Cameroun, au mépris des petits sursauts que des vendeurs d’illusion mettent en avant, est suffisant grave pour qu’on se remette rapidement en question. Il ne s’agit pas seulement d’un problème matériel se traduisant par la pauvreté du plus grand nombre, mais d’un problème de moralité. Le constat est clair et sans appel : Il semblerait que le Camerounais soit un être malhonnête par défaut, porté sur la corruption, le vol et les détournements de fonds, qui n’a aucune notion de l’intérêt commun, et pense que toutes les valeurs morales prônées telles que l’honnêteté et l’intégrité n’ont de réalité que dans le monde des idées. Ici sur terre, il n’y a que la roublardise qui paie. Voilà la devise, même inconsciemment, du Camerounais, à tous les niveaux de l’échelle sociale, au regard de nombreuses expériences malheureuses.

J’imagine déjà les objections que peut susciter une telle affirmation.  Si vous, lecteurs, vous considérez que vous ne rentrez pas dans cette catégorie d’individus et vous sentez offusqués par cette affirmation, je ne peux que vous féliciter, car vous êtes exceptions et méritez de véritables encouragements. Mais ôtons les œillères que la fierté nous oblige à porter et regardons la vérité en face ! Le Camerounais, dans son pays d’origine, évolue dans un système auquel il adhère déjà tellement pleinement qu’il tente de l’exporter avec lui quand il s’envole vers d’autres horizons.

Plusieurs éléments peuvent parfaitement illustrer cet état d’esprit.
 Des plaintes fréquentes sont émises, à propos du racket orchestré par les agents de la douane aux deux principaux aéroports internationaux du Cameroun. Ce qu’on oublie de mentionner c’est le taux impressionnant de voyageurs camerounais qui transportent des biens et marchandises devant faire l’objet d’une déclaration et soumis à des taxes. Si il est anormal que des voyageurs soient littéralement agressés par des douaniers soucieux de leur soutirer quelque devise étrangère, il est également anormal que le réflexe du camerounais soit de se soustraire aux taxes qu’il doit normalement payer. Combien d’entre vous n’ont pas eu recours à une connaissance, pour esquiver les contrôles de l’aéroport, car pleinement conscients du contenu douteux de leur valise, d’un point de vue fiscal ? Combien d’entre vous falsifient les déclarations sur l’honneur du contrôle sanitaire pour payer 1000 à 2000 frs CFA de moins que ce qu’ils auraient payé s’ ils avaient juste dit la vérité ?

Parlant toujours de douanes…  A la décharge de tous les commerçants véreux, le système douanier camerounais est tellement opaque qu’il est impossible d’évaluer objectivement le coût de revient du dédouanement d’une marchandise.  Les moins scrupuleux des douaniers en profitent pour inventer des taxes fictives dont les recettes atterrissent directement dans leurs comptes en banque et servent à financer les nombreux châteaux à la périphérie de Douala. Malheureusement, que dire également de tous les importateurs, réguliers ou occasionnels, qui sont toujours à l’affût des bons coups et réseaux pour esquiver le paiement des taxes ? Si la priorité dans la lutte contre le détournement des fonds porte sur le secteur douanier, comme neuf autres secteurs, ce n’est pas seulement la faute de l’administration tant décriée, mais également  d’une grande partie des usagers, qui, sans doute lassés de subir la corruption, ont jugé intelligent d’en devenir des éléments proactifs.

Les policiers et gendarmes, « mange-mil », sont considérés par la plupart des automobilistes comme l’ennemi public numéro 1. Les contrôles inopinés, les contraventions fictives, la quasi-mendicité orchestrés par ces derniers en agacent plus d’un. Pourtant, on constate que ce sont ces mêmes automobilistes prompts à la critique qui n’hésitent pas à affronter bravement les routes sans toutes les pièces officielles nécessaires à leur véhicule, à glisser les premiers un billet de deux mille francs au policier lorsqu’ils lui tendent un dossier qu’ils savent incomplet .

Que dire des parents qui se proposent spontanément de payer une place à leurs enfants dans des établissements où ces derniers ont lamentablement échoué le concours ? Et cette pratique vulgarisée qui consiste en réduire son âge réel et qui n’est pas seulement l’apanage des footballeurs ? Quelle confiance accorderiez vous à un autre camerounais dans le cadre d’un business ? Pour ceux qui évoluent en occident, quel sont les premiers adjectifs qui vous viennent en tête lorsqu’il vous est demandé de caractériser le « milieu camerounais » ? malhonnêtes, menteurs, ne reviennent-ils pas fréquemment ?

Je pourrai m’étendre ainsi à l’infini sur ces petites pratiques de malversations, tellement courantes chez les camerounais qu’elles en deviennent normales. L’excuse habituelle est que la conjoncture au Cameroun oblige tout le monde à s’adapter. Tout le monde se dit victime, et n’estime pas avoir d’autre choix que de se plier à des pratiques, qui, une fois généralisées, font du Cameroun la rivière de crocodiles dont beaucoup se méfient.  Lorsqu’on naît, et qu’on grandit dans cet environnement, on est nécessairement soit même infecté.

Il est temps de cesser l’hypocrisie qui consiste en rejeter la responsabilité entière de l’échec structurel camerounais en un homme ou un parti. Non pas que le régime en place au Cameroun depuis presque trente ans ne soit pas à l’origine de ce qui se passe. Le paradoxe est du même ordre que de se demander qui, de l’œuf ou la poule, est à l’origine de l’autre. Autant les théories de Darwin ou la genèse dans la bible peuvent apporter un début de réponse à ceux qui veulent résoudre ce paradoxe, autant le simple bon sens nous amène à désigner le premier responsable des problèmes camerounais. Au lendemain des indépendances, le Cameroun et les camerounais étaient différents. La situation s’est lentement détériorée lorsque les personnes de rang ont réalisé peu à peu que le navire avançait sans véritable commandement et qu’aucun compte ne leur était demandé par rapport aux responsabilités qu’elles avaient vis-à-vis du peuple camerounais. « Le rang ne confère ni privilège, ni pouvoir, il impose des responsabilités » Cette phrase de Louis Armstrong aurait dû inspirer l’élite camerounaise chargée d’œuvrer pour le développement du Cameroun.  Occultant son devoir, elle a mis un point d’honneur à satisfaire d’abord ses envies de plus en plus gargantuesques au fil du temps, sans que le président de la république ne s’y oppose. La gangrène s’est ensuite lentement propagée vers les couches inférieures, au point où de nos jours, la corruption est généralisée. Le système s’auto-entretient, et les camerounais suicidaires ne sont plus en mesure de distinguer ce qui est bon, ou mauvais, dans l’intérêt général qui se confond à l’intérêt personnel, tribal, ethnique.

Le système corrompu et peu fiable produit son élite qui est à l’image du peuple au service duquel elles sont : obnubilée par l’intérêt personnel, au détriment du bien commun.  Cette élite veille avant tout à la perpétuation du système qui leur a permis d’arriver où elles sont. D’où la nécessité pour les Camerounais à qui il reste encore quelques bribes de morale et surtout de raison, de remettre en question leur comportement au jour le jour.

La perte d’intégrité, au plus bas de l’échelle sociale, par nécessité ou par choix, contribue à fortifier un système dans lequel les camerounais savent pourtant que leur présent n’a aucun avenir. Comme les vampires se nourrissent du sang de leurs victimes, le système corrompu camerounais que tout le monde souhaite combattre, vit des écarts de comportement du peuple, à tous les niveaux de l’échelle sociale. La ménagère qui choisit de soudoyer un professeur afin qu’il fasse passer son fils en classe supérieure refusera de l’admettre, mais elle n’est pas différente du ministre véreux qui détourne en toute impunité les milliards destinés à construire une nouvelle centrale hydro-électrique, et est donc responsable des différents délestages qui ont empêché son fils de réviser correctement. La boucle se boucle, et le vice s’autoalimente.

Pour que le Cameroun change, nous devons d’abord changer nous même,apprendre à résister aux sirènes de la facilité, faire de l’honnêteté et de la vertu, les piliers de notre société. La rigueur et la moralisation, ironiquement, restent encore les meilleures armes pour fragiliser le système camerounais actuel qui a montré ses limites. Nous devons changer !!


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